L'Europe est-elle devenue une évidence ?  (Msg aux ami-e-s de France Culture, &... aux autres !)

Dans "les Matins" du 15 mars, j'ai écouté sans plaisir l'éditorial "L'Europe est-elle devenue une évidence ?"  D'une part, "Europe", à l'origine... c'était un personnage de la mythologie grecque, et à présent, c'est un continent comptant près de 4 douzaines d'États.

Ce dont parlait Jean Leymarie, ce n'est pas un continent... c'est une union politique, l'UE de Lisbonne.
Albert Camus disait: "Mal nommer les choses, c'est ajouter aux malheurs du monde." Cette remarque s'applique bien à cet édito: en effet, on peut critiquer une union politique, mais il serait absurde de critiquer... un continent !

Sur le fond, dire de l'UE de Lisbonne, (qui n'est qu'une des unions politiques possibles sur le continent européen), qu'elle "n o u s" protège, est une approximation consternante. (Surtout quand... on évite de préciser qui est ce "nous"!)
Des groupes de citoyens peuvent certes se sentir protégés. Mais...
- soit ils sont parmi les moins démunis, de sorte que ce qui les protège, c'est surtout... leur niveau de revenu,
- soit ils sont dans l'illusion, la confusion, ou l'ignorance.

J'imagine déjà quelques euro-béats, confortablement abrités derrière un usage trompeur du langage... m'interpeller: "Donc... vous êtes contre l'Europe ?"  A cette question dépourvue de sens, je préfère la suivante: "Donc... vous êtes contre l'incohérence ?"

Oui en effet, je suis contre le double langage & le... "en même temps" ! (J'espère que je ne suis pas le seul !) Lorsque l'exigence de cohérence des politiques publiques est piétinée... Lorsque des Commissaires de l'UE peuvent agir en sens contraire de ce qui est affiché, ou de ce que préconisent leurs autres collègues, on est proche du degré zéro de la gouvernance !

C'est le cas par exemple de la "production industrielle"... d'ALE (Accords de Libre Échange), pendant que les 3 organes politiques, (la Commission, le Parlement, et le Conseil de l'UE), proclament à l'unisson "Fit for 55" !
Certes réduire les émissions de CO2 de 55% d'ici 2030 ne sera pas une partie de plaisir...
Mais conclure des accords aux termes desquels du bois européen ira se faire usiner à des milliers de km, avant de revenir sous forme de lames de parquet, ce n'est pas réduire nos émissions, c'est... les exporter, tout en détruisant des emplois !

Il y a bien d'autres exemples de cette mise au pouvoir de... l'incohérence: s'abstenir de remettre en cause la règle comptable du "Mark to market", est le signe d'une duplicité ou d'une grave négligence, car cette règle est à la fois un obstacle sévère à la protection sociale des salariés, et aussi aux politiques d'atténuation de, (et d'adaptation à), la dérive du climat.
En effet, elle imprime la "dictature des Quarterly", dans l'esprit des dirigeants d'entreprises, c. a d. une minoration désastreuse des préoccupations de moyen ou long terme.

Dans des cas extrêmes, un plan de licenciement peut être décidé par des dirigeants soucieux de tirer le meilleur parti des "stock options" qui vont leur être attribuées: ils ont donc un intérêt direct à faire remonter le cours de Bourse de leur compagnie ... "au bon moment"! (Sauf erreur, cela s'est produit chez Danone, il y a une dizaine d'années, avec un plan de suppression de 900 emplois, pour doper les bénéfices attendus, et donc le cours de l'action Danone.)

- une chose est de proclamer (de façon purement idéologique) que... moins la puissance publique s'occupe des entreprises, mieux l'économie se porte,
- autre chose est de... laisser en vigueur une règle comptable qui contribue aux destructions d'emplois !

Que dire aussi de la migration des salles de marché vers le nord de Paris, (là ou arrivent les câbles transatlantiques), en vue de gagner quelques microsecondes dans l'activité de Trading Haute Fréquence.
Le trading HF est pourtant une activité parasitaire, dépourvue de toute utilité sociale !
De même, sans la règle du "Mark to market", le cafouillage qui a valu une certaine notoriété (& de gros ennuis), à Jérôme Kerviel (et a coûté son poste à Daniel Bouton, PDG de la SG en 2008), n'aurait pas pu se produire !

Dix ans ou plus après ces exemples aussi emblématiques que calamiteux... la règle du Mark to market ne fait l'objet d'aucune remise en cause par les principaux partis politiques candidats à l'élection du 9 juin.
Dans un monde idéal... le débat public des prochains mois devrait porter sur les nombreuses réformes souhaitables. (Dont la révision du TFUE):

- celle d'une politique commerciale fondée sur des instruments juridiques comme les ALE. Il s'agit de véritables "machines infernales", tant pour aggraver notre empreinte carbone que pour privatiser le pouvoir réglementaire ! Voir les dispositions comme la mise en place de "Comités de coopération réglementaire": elles offrent "un boulevard"... aux lobbies de tout poil, par exemple ceux qui ont intérêt à ce que les DJA (Doses Journalières Admissibles), ne soient pas trop basses... (Bonjour... "La protection" que nous offre... "l'Europe" !)

- celle de règles comptables aux conséquences tragiques, car... "Ce qui n'est pas compté ne compte pas !"

- celle de règles financières & d'une politique monétaire qui protège l'intérêt des banques plutôt que celui de la population.

Un certain nombre de ces propositions sont incluses dans un document de réflexion décrit ici: https://amaplanete.org/?C=M;O=D
Bonnes lectures... !